Dans un précédent post, je partageais ma passion enfantine pour les fourmis.
Cette dernière s’est notamment traduite par une plongée dans la trilogie éponyme de B. Werber, que j’ai récemment entrepris de rouvrir. Et là surprise…
Relire adulte un ouvrage qui a bercé son enfance/adolescence, c’est comme revenir sur un lieu jadis habité et aimé : tout a un parfum de déjà vu et pourtant tout est à redécouvrir...
Ainsi, les pages qui accompagnent mes nuits ces dernières semaines n’arrêtent pas de m’étonner par leur portée philosophique.
J’y suis d’autant sensible, que je réfléchis actuellement à la façon dont les histoires bercent notre rapport au monde et éclairent notre vision du présent et de l’avenir.
J’ai même eu la chance de monter et d’animer un atelier sur le sujet avec un collègue et ami. Nous avons pris le parti de mobiliser la posture du héros pour explorer nos façons d'investir l'avenir. C’était passionnant et déroutant (un peu trop peut-être, le rapport d’évaluation nous le dira…). Cette expérience a fait écho en moi au tome 2 des Fourmis, dans lequel 103 683ème, dite 103ème, soldate missionnaire en quête de rencontrer les « doigts » (comprenez humains) pour leur remettre un message de haute portée stratégique, vitale même, est soumise à une « épreuve sublime ».
Qu'est ce que l'épreuve sublime ?
L’insecte est invité à un duel paradoxal. Au plus proche de ce qui est supposé lui être familier : son propre reflet, il est confronté à l’inconnu.
En effet, 103ème ignore ce que miroir veut dire.
Dans son monde végétal rythmé par des perceptions kinesthésiques et l’odeur des phéromones, il n’existe pas d’eau cristallisée capable de renvoyer une image du monde et encore moins son propre reflet (à cette étape de l’épopée, 103ème n’est qu’une partie d’un tout, elle n’a pas d’identité propre, elle est la fourmilière).
Comment la fourmi traverse-t-elle cette rencontre avec son reflet ?
Dans un 1er temps, elle reconnait à cet autre certaines qualités, mais très vite .. elle trouve ce double muet et inodore antipathique. Elle envisage alors :
La fronde : attaquer, de façon précise, rapide, efficace. Et abattre l’ennemi. Mais face à un double qui anticipe au millième de seconde ses gestes, aucune chance de victoire. Elle ne ferait que se battre, jusqu’à l’épuisement.
La fuite : se retourner et ne plus essayer de comprendre ou saisir ce que lui renvoie ce reflet aux élans de robot. Se serait alors renoncer à regarder la réalité en face, et surtout stopper sa quête, son aventure à la rencontre « des doigts. »
L’oblique : entrer dans une posture fraternelle, sororelle et donc une perspective de la coopération.
Soldate de 1er rang, qui a déjà remporté des batailles bien plus éprouvantes, 103ème est aussi fine stratège et sensible négociatrice (j’emploie le féminin par commodité, puisque c’est UNE fourmi, mais à cette étape, 103ème est asexuée).
Face à l'inconnu et la complexité, quelle est sa décision ?
Vous l’aurez deviné, 103ème choisit de baisser les armes et faire le pari de la coopération
« Je refuse de me battre contre cette fourmi, car c’est une rousse, comme moi. Il faudra nous accepter toute les deux, ou n’en accepter aucune. »
rétorque-t-elle aux baltes qui l’ont soumise à cette énigme.
Elle désamorce ainsi le conflit et parvient à résoudre l’épreuve en révélant non pas la beauté de son être, mais la grandeur de son esprit.
Une belle ré-interprétation du mythe de Narcisse… N’est ce pas ?
Alors que je m’apprête à me replonger dans ces pages, je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle avec notre monde, humain et nos enjeux sociétaux contemporains.
En effet, "l'épreuve sublime" soulève des questions fondamentales : face à nous même, parviendrons-nous à baisser les armes ? Désamorcer les conflits ? Rencontrer l’altérité et construire une alternative désirable…
Bref, comment choisirons-nous d'investir l'avenir : par la fronde, la fuite ou l'oblique...
Même si, face au miroir de l’humanité, les certitudes sont empreintes de doute, je fais le pari d'une oblique joyeuse, positive et solidaire.
D'ailleurs, cette dernière existe déjà. Elle ne demande qu'à être diffusée...
N'est ce pas ?
Cette thématique vous intrigue ? Vous souhaitez mobiliser la puissance des récits pour explorer les enjeux stratégiques au sein de votre organisation ? Je suis à votre écoute 👉 ici
Et sinon, à propos de mon doux rêve de myrmécologue et de l'importance de considérer les insectes, c'est par ici.
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